Les Industries d'hiver du Paysan

 

de Prouvais an dernier siècle


Ce n'était pas seulement à la construction de la chaumière que le paysan d'autrefois s'appliquait, avec les ressources locales et la plus stricte économie forcée, à se procurer ce qui lui était nécessaire : c'était aussi pour son mobilier et l'outillage de sa profession. Il y a quatre-vingts à cent ans, à Prouvais, un ouvrier agricole gagnait annuellement, outre sa nourriture, cent vingt francs, cent cinquante s'il était maître charretier. Il touchait son gage en une seule fois, à la Saint-Martin et généralement l'argent servait à l'achat d'un champ qu'il pouvait cultiver le dimanche avec les chevaux de son patron. La femme n'avait donc pour pourvoir à ses besoins et à ceux de ses enfants que le produit de son travail et la récolte des quelques champs que le ménage pouvait déjà posséder.

Ce couplet d'une vieille chanson du pays reflète assez le peu de ressources et les préoccupations du jeune ménage quittant la maison des parents :


  Pour dot ma femme a cinq sous

Et moi quatre, pas davantage

Cinq sous, cinq sous !

Pour monter notre ménage,

Cinq sous, cinq sous !

Hélas ! Comment ferons-nous ?

Si le bon Dieu nous donne des enfants

Quand bien même ça ne s'rait qu' des filles

Nous leur dirons à vingt ans :

  Mes enfants, voilà cinq sous.


Eh bien ! avec un peu d'aide des parents, un emprunt de quelques écus, de l'ingéniosité surtout, on se débrouillait, on se procurait l'indispensable. On savait par l'exemple et par l'éducation reçue ce qu’étaient le travail et l'économie. Avec la santé, soutenu par l'amour, la foi de la jeunesse, on partait et on arrivait. On arrivait à un bonheur moins terre à terre qu'on pourrait se l'imaginer ; on marchait alors, on ne courait pas, on avait le temps d'observer, de réfléchir, de rire, si les rapines des gens de guerre, la rapacité des intendants de la noblesse et des moines, si les épidémies ne se faisaient pas trop sentir.

Pendant des siècles la vie du paysan s'est déroulée suivant un rite presque immuable. Elle n'a guère été bien figurée pour cette raison que les écrivains et les peintres appliquaient plutôt leur talent aux choses de l'église. Ils étaient au service des nobles et des riches qui pouvaient les récompenser et adoptaient leur manière de considérer le paysan comme négligeable.

Si on examine les œuvres des rares peintres anciens qui ont représenté les paysans dans leurs occupations de l'intérieur de la maison, comme celles des Lenain, ou d'Adriaan Van Ostade, on voit que si le luxe fait complètement défaut, si les meubles sont rudimentaires, les figures ne montrent pas la tristesse. Toute complication est écartée. Un seul met, servi dans l'ustensile où il a été préparé, est posé sur un tabouret à trois pieds ou sur untonneau debout et chacun puise à mêmeavec sa cuiller, c'est le service simplifié par excellence. La faim fait tout apprécier ; le contraste, aux époques d'abondance, augmentait la jouissance. Lorsque l'hiver le cochon avait été mis à mort et que de ses abats on avait tiré la gruette (foie et poumons), qu'avaient été préparés le boudin, les crépinettes et les andouilles, c'était vraiment une période de fêtes.

A Prouvais, dans ma jeunesse, le paysan, je ne parle pas de ceux qui employaient des serviteurs, qui avaient les moyens d'avoir un mobilier fait par des professionnels, mais du modeste qui ne devait guère compter pour le sien que sur son ingéniosité, le paysan, dis-je, pratiquait encore un certain nombre de petites industries auxquelles il s'occupait, près du foyer, pendant les mauvais temps d'hiver lorsqu'il ne pouvait aller au bois, s'occuper au battage de sa petite récolte ou se mettre au service dès gros laboureurs.

Ce sont celles de ces petites fabrications que j'ai vu exercer dans mon enfance que je vais décrire.


Les produits à demi façonnés de la forêt


La plupart des paysans étaient plus ou moins bûcherons l'hiver, soit par l'exploitation d'un bois leur appartenant, d'un coupon de bois acheté dans la coupe annuelle de la propriété seigneuriale ou seulement travaillé à façon pour gagner quelque argent, et, avec les copeaux d'abattage, les chicots fendus, le bois mort, les épines et les ramouilles, qui s'ajoutaient de droit à son salaire, d'avoir son chauffage de l'année pour le foyer et pour le four.

Par le travail des essences forestières, le bûcheron apprenait à bien connaître leurs qualités propres. Il savait l'aptitude du chêne et du châtaignier à se fendre ; il connaissait la différence de valeur du cœur et de l'aubier.La résistance et l'élasticité de l'orme et du frêne pour faire de bons manches d'outils, surtout de haches et de pioches ; du grêlât (peuplier grisard) pour les montants d'échelles légères ; la durée du saule marceau comme échalas étaient motifs d'entretien entre bûcherons. Aussi, quand le bois abattu à la cognée était mis en ramiers, c'est-à-dire en tas bien placés avec les pieds des tiges sur le même plan et qu'il commençait à les exploiter pour en tirer bûches, fagots et faguettes, il savait ôter d'un pied d'orme de quoi faire un bonmanche de hache ; un brin de noisetier droit, terminé par une fourche était mis de côté comme convenant pour faire, un manche de borgnié (râteau) ou de rabot (outil pour amasser le grain loirs du vannage). Puis de temps à autre se présentait de quoi faire un échalas pour les haricots, un montant pour une échelle, une rame à pois, une baguette pour claies, une canne de néflier ; un pied de charme pour une batte de flaïot (fléau) ; des morceaux contournés à point pour un manche de pelle, une poignée d'anta à faucher, un levier pour serrer tes fagots à la cabre (chèvre), 'etc.

Dans la ramure des arbres, les branches fourchues devenaient des éléments pour une chevrette à scier le bois, pour une selle à buer (trépied à lessive), pour un pied d'escabelle ou de petite table. Une partie courbée était destinée à un bâti de cabre ; une culée devait faire un bloc.

Des dosses, rejetées lors du sciage des arbres comme n'étant que bois à brûler, il savait encore tirer des matériaux pour des petits bancs et des escabelles, Les brindilles de bouleau étaient coupées pour faire des balais. A défaut on en faisait une cueillette dans de jeunes garennes en choisissant, à base des pieds, les brindilles ramifiées destinées, un an ou deux plus tard, à mourir par manque de lumière.

Tous ces produits secondaires de l'exploitation de la forêt devenaient pour le paysan une "réserve de matériaux où il puiserait pour ses industries d'hiver, pour la remise en état de son matériel en vue d'une nouvelle campagne de culture.

Outillage. II était des plus restreints. Outre ses outils de bûcheron : hache, serpe et scie, le paysan ne possédait guère qu'un marteau, une paire de tenailles, un enclumiau pour battre la faux, un vilebrequin et quelques mèches à bois, une plane ou couteau à deux manches et quelques ciseaux. La confection des objets se bornait à en dégrossir les parties, appuyées sur un bloc, avec les outils de bûcheron ; à les affiner à la plane en les maintenant avec le pied sur le chevalet ; à percer quelques trous et mortaises pour les assemblages, et enfin à donner du fini avec des racloirs de verre cassé.

Fabrication de balais. — - On commençait par prendre les brindilles de bouleau une à une et à les assembler, non en observant la partie coupée, mais telles que leur branchettes fussent au même niveau. Arrivé à grosseur convenable, le balai était maintenu par une ligature provisoire faite d'unie mince branchette de bouleau. On épuisait ainsi toute la provision rapportée.

Ensuite on préparait des éclisses, à raison de deux par balai, pour les ligatures. On les tirait des grosses baguettes de viorne, de celles qui auraient donné des éclisses trop épaisses, pas assez souples pour le travail de la paille. A défaut, on les détachait de baguettes de coudrier (noisetier) sans nœuds, en les soulevant avec le couteau et en aidant par la flexion du brin. Les éclisses de ronce servaient moins souvent.

L'outillage se composait du couteau, de la scie, d'une forte cordelette et d'une branchette de la grosseur du doigt, d'une trentaine de centimètres de longueur, diminuée progressivement d'épaisseur sur les deux tiers de sa longueur pour avoir au bout la section d'une grosse éclisse.

On fixait solidement une extrémité du cordeau à une hauteur de 1 mètre à 1 m. 50, par exemple à un gond de la porte, on prenait le balai préparé et on commençait à enrouler le cordeau à l'endroit d'une ligature de un ou deux tours, on plaçait la fiche, manche à droite, l'éclisse bout libre à gauche et on continuait l'enroulement du cordeau, en tirant fortement pour bien serrer le faisceau, sur une longueur suffisante. Alors on saisissait l’éclisse et en déroulant le cordeau, on lui faisait prendre la place en l'enroulant dans le même sens. On arrêtait en retirant la tige aplatie et en glissant l'éclisse dans le vide qu'elle laissait.

On recommençait: de même pour la deuxième ligature. On mettait un lien supplémentaire fait d'un mince brin de bouleau pour soutenir lies brindilles du balai neuf, on sciait la tête et avec le couteau on parait l'œuvre qui se trouvait terminée.

Naturellement l'opération se répétait jusqu'à l'épuisement du stock préparé. On avait ainsi une réserve de balais dans laquelle on n'aurait qu'à prendre pendant la période des travaux extérieurs.

Quelques petits balais étaient souvent confectionnés à l'occasion de cette fabrication : une courte balayette en bouleau qui avait sa place à l'évier et servait à frotter vigoureusement l'intérieur des marmites ; une autre, plus longue, pour fouetter du lait de chaux sur les murs et parfois le derrière des enfants méchants ; des balayettes en graminées des bois ou des marais, en genêt, même en grosses plumes pour la propreté du coin de feu.

Claies. — Avec les tiges longues du diamètre du doigt, on faisait des claies tenant lieu de ce qu'on fit plus tard en voliges de peuplier pour des séparations, des claies à parcs à moutons, d'autres destinées à agrandir la capacité de la charrette lorsque, pour augmenter la nourriture d'hiver des vaches, on allait dans les fermes de pays à froment acheter des menues-pailles de blé ou d'avoine

Allumettes soufrées. — L'ingéniosité et l'économie du' paysan s'étendait jusqu'aux petites choses, c'est ainsi qu'il passait une soirée à faire une provision de grandes allumettes soufrées pour son année. Il y avait toujours quelque braise rouge au milieu de la cendre, on ne recourait donc que bien rarement aux allumettes phosphorées. Souvent même c'était le briquet de silex enflammant l'amadou qui fournissait le feu.

Pour cette fabrication il savait choisir dans des bûches de saule, de peuplier, d'épicéa à croissance lente, les entre-nœuds ou la fibre droite se fendait bien. Les rondins sciés à longueur convenable étaient d'abord écartelés en quatre ou six parties ; chacune d'elles était ensuite fendue dans le sens des couches annuelles en plaquettes de plus en plus mincies desquelles on détachait les allumettes en réglant l'épaisseur avec le pouce serré contre le couteau. La fabrication se terminait en plongeant le bout des allumettes saisies par petites poignées, dans du soufre fondu dans un fond de pot ou un couvercle de boîte en fer blanc, en roulant aussitôt le faisceau entre les mains pour séparer les allumettes les unes des autres.

Réparation des sabots. — II y avait, là encore, du travail pour le père : mettre du cuir et des clous aux semelles des sabots des membres de la famille, rattacher les brides, arrêter les fentes par des attaches en fil de fer. Les petits trous étaient percés avec un fil de fer rougi au feu,

Fabrication d'ustensiles en boudins de paille de seigle. — Pour cette fabrication on utilisait comme matière première de la fine paille de seigle battue au fléau, prise par poignée par les épis et secouée pour en séparer les herbes étrangères, puis débarrassée de ses épis. Les liens ou éclisses provenaient de pousses vigoureuses et jeunes de viorne lantane, qu'on appelait hart de mouron, écartelées en trois ou quatre brins suivant leur grosseur. Les parties ainsi obtenues étaient ensuite débarrassées de la moelle et de la région centrale peu résistante en les faisant glisser sur le genou sous le tranchant de la lame d'un couteau tenu verticalement sans trop appuyer. Elles acquéraient de la souplesse en devenant plus minces tout en conservant leur résistance.

L'outillage consistait en une alêne pour préparer le passage de l'éclisse, un anneau dont le diamètre intérieur fixait la grosseur des boudins et un fendoir qu'on fabriquait une fois pour toutes avec un morceau de bois dur et plein, buis ou épine. Par un bout il permettait de continuer l’écartelage commencé avec le couteau en quatre parties, et en trois parties par le bout opposé.

Le principe du travail était celui-ci : le boudin de paille remplissant bien l'anneau, on perçait, avec l'alêne, le boudin du dessous dans la paille, sous l'éclisse, et par le trou on passait le bout appointé de l'éclisse comme s'il s'agissait d'une couture, on serrait et maintenait le lien serré avec le pouce pendant qu'on amorçait un nouveau point die couture à la division suivante. Si, par suite de l'évasement ou de l'augmentation de diamètre, les points s'écartaient trop on en intercalait des supplémentaires. Au fur et à mesure de l'avancement du travail on maintenait le boudin à la même grosseur en glissant en son centre de nouveaux brins de paille. L'œil de départ offrait une certaine difficulté qu'on diminuait avec de la paille fine assouplie par un trempage dans l'eau. La terminaison se faisait facilement en n'alimentant plus le boudin en paille et en l'écrasant contre le boudin sous-jacent par l'enfoncement progressif de l'éclisse vers le centre.

Cette fabrication servait surtout à la confection de telles et de paniers à mouches (ruches).

Les telles étaient les paniers où les boules de pâte à pain devaient subir la fermentation avant l'enfournement. Autrefois chaque ménage cuisait son pain et possédait au moins une douzaine de ces telles, souvent plus, car celles qui étaient en surplus servaient de paniers. On y conservait des graines au grenier, on prenait une telle ou un tellon (telle plus petite) pour aller chercher des pommes de terre ou des oignons pour la cuisine, du grain pour les poules.

Prouvais est un pays mellifère grâce à ses bois, ses prairies artificielles, et autrefois à ses sarrazins. Beaucoup de paysans possédaient des ruches, ils en tiraient du miel pour la table et pour la fabrication d'hydromel. C'étaient des ruches en forme de cloche d'une capacité de 25 à 30 litres, quelquefois plus.

D'autres récipients pour matières sèches, pour servir de mesures, se confectionnaient suivant le même principe : le picotin pour mesurer l'avoine, le boisseau de 25 litres, le setier avec son couvercle bombé à poignée. Le travail arrêté à la forme de disque donnait un dessous de plat pour la table, mais pour cet usage on employait souvent le tranchoir, disque de bois qui servait à couvrir les pots de laitage et qu'on avait en assez grand nombre.

Rempaillage de chaises. — Il rentrait aussi dans les travaux d'hiver. Il y avait surtout celui de ces petites chaises de coin de feu si préférées parce qu'elles rapprochaient de la flamme, donnaient à la maman un giron profond pour retenir l'enfant auquel elle donnait ses soins, et qu'elles mettaient mieux à la portée pour les opérations de la cuisine et l'entretien du feu de bois qui, s'il était vivant avec se flammes dansantes, exigeait des soins continus.

Le travail de rempaillage consistait à produire une cordelette en fine paille assouplie par un peu d'humidité et à la faire passer successivement sur les quatre côtés de la chaise en tournant autour de chaque pied. La difficulté était un peu plus grande pour terminer, on avait alors besoin de l'aide d'un poinçon. La tension se produisait par le bourrage de petits coussins de paille entre les deux nappes du dessus et du dessous.

Nattes. — La paille de seigle était aussi tressée en longs rubans, qu'on cousait par leurs bords pour en faire des nattes pour descentes de lit que le froid terri faisait apprécier.

Si les pieds flottaient un peu dans les sabots, unie tresse plate de paille à quatre ou cinq brins y remédiait et maintenait la chaleur des pieds.

Fabrications de fantaisie. L'économie pour les objets de toute nécessité avait pour campagne l'économie de l'accessoire. Les enfants d'alors n'avaient pas les jouets de ceux de nos jours mais ils n'en étaient pas privés, je me demande même s'ils ne s'amusaient pas mieux avec ceux qu'ils construisaient ou qu'on les aidait à faire. Les cerceaux de tonneaux ou le cercle d'une rouelle de charrue valaient le cerceau acheté ; le bateau qui avait comme origine un vieux sabot voguait bien.sur les gués (abreuvoirs) ; les balances faites avec des couvercles de boîtes engageaient à jouer au marchand ; du plomb fondu dans la pelle à feu, coulé dans des couvercles de petites boîtes donnait des palets, et, dans des tubes de roseau, des crayons. De tubes de sureau, de plumes d'oie, on faisait des seringues, des buquois. Pour avoir un damier on en faisait le dessin sur du carton et on avait les pions en sciant de petites rondelles de bois dans un bâton. Eh ! quoi encore ! Des moulins à vent en fétus de paille, des moulins à eau en planchette, des arcs et des fléchies, des fusite de bois, des sabres, etc. On faisait même de la poudre en allant gratter le soufre des scellements des grilles du cimetière qu'on mélangeait avec de la braise pilée et les efflorescences des murs salpêtres.

Quelques-unes de ces fabrications amusaient les enfants et servaient aussi aux parents, par exemple celle des boîtes ou tabatières en écorce de bouleau.

Tabatières. Certains bouleaux et cerisiers ont un épiderme qui peut se détacher en plaques assez grandes d'une peau tenace ayant tendance à s'enrouler, la partie blanche vers l'intérieur. Pour en tirer des tabatières, on découpait d'abord l'enveloppe extérieure suivant la forme du dessin ; on assemblait, la partie blanche à l'intérieur ; on doublait d'un rectangle aminci sur les bouts, non assemblé, mais tourné en sens contraire du premier. Le fond et le couvercle, tiré de deux petites plaquettes de bois blanc fendu complétaient la tabatière. Le fond était fixé avec de petites chevilles de bois ; le dessus était pourvu d'une queue de rat en cuir pour en faciliter l'enlèvement

Quelquefois on ajoutait à ce corps une ornementation faite de rubans ou d'ellipses d'écorces, festonnés sur leursbords, et fixés avec de petiteschevilles ou de petites pointes, lorsqu'on en avait.

Si te bon Dieu nous donne des enfants. L'accroissement de la famille provoquait l'accroissement du mobilier, principalement des lits. Là encore, si on n'avait pu faire l'achat d'un lit d'occasion, on se débrouillait. Quatre bûches pour les angles et des planches clouées en long, en bout et en dessous formatent la caisse du lit. La literie était de paille, avec une paillasse de balle d'avoine ou de feuillesde fougères. La ménagère élevait des oies que les enfants menaient aux champs, elle en tirait de la plume et du duvet pour faire des oreillers, un édredon et un lit de plume.

Tout ce que nous venons de passer en revue nous montre que si le paysan n'avait ni surabondance de biens, ni luxe, il n'était pas toujours dans la misère, son ingéniosité lui donnait le nécessaire. Il s'élevait vers le bien-être, car des deux manières d'équilibrer son budget : augmenter ses revenus ou diminuer ses dépenses il pratiquait les deux et devait forcément progresser. Tous ceux que j'ai connus ayant ainsidébuté avec leurs cinq sous sont arrivés à être de petits cultivateurs propriétaires. Leurs enfants ont continué à prospérer, mais alors un défaut s'est glissé dans les esprits, celui de devenir vite riches. Ce ne fut plus assez d'avoir la vie assurée, il fallut toujours augmenter les revenus et diminuer les dépenses, on eût moins d'enfants, on travailla plus. Le résultat : la vie devint pénible, les familles s'anéantirent. Le mirage en dirigea vers les métiers, vers le commerce et l'industrie, vers le gouffre final : la grande ville où ils ne trouveront pas le bonheur qui aura toujours ses sources dans la santé obtenue par la sobriété et le travail modéré au grand air, dans les joies de la famille, dans une existence simple avec peu d'ambition et comme distraction la culture de l'agrément préféré.

 

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